Après avoir vu »Four Season Restaurant » de Castelluci au festival d’Avignon, un état me reste profondément en mémoire. Au moment d’entrer dans la salle, on nous distribue des boule quies, un avertissement sans le dire sur le niveau du son auquel on s’attend. La salle est inquiète, dès que l’on touche au son, on touche aux peurs, les oreilles n’ont pas de paupières 😉
Le noir se fait, la pièce commence, un son « indistinct » au loin se propage, nous lisons sur l’avant scène son origine : il s’agit d’un son enregistré par la NASA, ce sont des vents solaires.
Nous continuons à lire et on nous explique la signification des différentes « couches » sonores que nous enttendons.
De manière très didactique, on nous explique ensuite que le son est une représentation de la réalité car les amplitudes réelles sont beaucoup trop importante pour être audible.
Une date enfin, celle de l’enregistrement, nous situe l’instant de la prise de son.
Les explications s’éteignent et le son se déploie, il ne « monte » pas de niveaux, mais il avance vers nous, de plus en plus fort, c’est quelque chose d’à la fois terrifiant et assourdissant.
Le son nous enveloppe entièrement, la salle vibre et ce n’est pas tant le son qui nous parait grand, que notre soi-même qui nous parait incroyablement petit, pas écrasé non plus mais petit dans une grande grande chose qui se déploie. c’est un rapport d’échelle que l’on vit.
c’est la premier fois que je ressens et que je matérialise ce concept d’un univers gigantesque dans lequel nous faisons partie, c’est une vrai proposition théâtrale quant à notre place de spectateur également. Et rien que pour cela je l’en remercie.
Durant l’été je lis un hors série paru en 1994 des cahiers du cinéma consacré à la musique,
Olivier Assayas dans un article consacré au rock, parle lui aussi de l’importance du niveau sonore comme un phénomène clé du cinéma contemporain, il le compare au concert de rock :
« Auparavant le cinéma, techniquement, ne permettait pas l’emploi de décibels. A présent, non seulement sont-ils accessibles, mais le public de cinéma, par l’intermédiaire du rock, y est habitué et les désire. C’est la exactement, que la relation des spectateurs au cinéma à changé du tout au tout. Ce volume sonore crée un spectateur passif et captif. Privé de sa liberté de penser et de circuler dans le film à sa manière, il est entrainé de force, guidé, aiguillé comme le petit enfant dans la situation duquel il désire au fond se retrouver. et même s’il ne le désire pas, c’est là qu’on le met. »
C’est en cela que je me dit l’importance du mixage, même si on ne le réduisait qu’à la gestion des niveaux du son, on lui donnerait toute sa sa dimension créative car au même titre qu’au montage, il interroge la place du spectateur, les rapports que l’on entretient avec lui.