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Ubiquité

By 25 juin 2011No Comments

A la lecture d’une nouvelle prouesse technologique je m’interroge.
Une société vient d’inventer un procédé de captation caméra qui s’affranchit de la profondeur de champs.
http://www.lytro.com/
il n’y aurait plus à faire de choix au moment de la prise de vue, les décisions se faisant ensuite dans la salle obscure.
Il en va de même avec le format RAW, qui laisse la possibilité à postériori de modifier l’exposition, la balance des couleurs, les gamma, etc…
Au tournage, le travail du chef opérateur peut être amener à changer, partagé entre la volonté d’avoir une image la plus homogène qui soit permettant tout latitude de modifications en post-production et un parti pris artistique fort qui laisserai de côté d’autres éventualités.
Ce décalage dans le moment et le lieu de la décision, je le retrouve dans un troisième point, l’apparition de caméras qui enregistrent de manière sphérique l’environnement, ce qui permet d’avoir tout les points de vue simultanément ensuite (j’avais écrit précédemment sur ce point particulier ici).
Pour le moment il s’agit plus ou moins de trois technologies séparées, chacune nécessitant un flux de données trop important.
Mais il est fort à parier qu’elles se mélangeront prochainement, ce qui offrirait un nouveau type d’enregistrement du réel, un œil « total ».
Il serait omniscient, capte à partir d’un point tout les points de vues et omnipotent, capable de se focaliser précisément à toute les profondeurs du champs, de concevoir la lumière en tout point du global au particulier.

Pourtant je me souviens lors mes cours de perspectives aux Beaux-Arts, l’œil est assimilé à l’appareil photographique, sélectif.
La perspective étant ensuite une reconstruction mentale, via la distinction de l’œil gauche et de l’œil droit, la conception de l’espace environnant se faisant par un continuel réajustement du regard mobile, l’ensemble étant mémorisé par le cerveau.
Je me souviens de la découverte de ce sentiment par le dessin, lorsque l’œil se fixe sur un point les lignes de fuite apparaissent, le flou aussi,
dès que l’on bouge à nouveau l’ensemble redevient net à tout instant, l’espace retrouve sa cohérence globale et non partielle, c’est fascinant.
J’imagine le futur d’un tel dispositif, la possibilité du choix s’étend, se développe et se retarde, depuis les années cinquante l’écriture cinématographique cherche à s’ouvrir, le scénario devient une forme souple, une trame sur laquelle vient se greffer les diverses réécritures, celle au tournage avec le travail sur l’improvisation et celle au montage.

Au moment du montage désormais les choix deviennent plus vaste, le numérique a amené une profusion des rushs, un plan peut être tourné en différentes prises, différentes expérimentations, le coût de la pellicule ayant disparu (ce qui n’enlève en rien le coût du tournage global, plus des prises nécessiterons toujours plus de temps).
Chaque scène peut également être prise selon différents angles par différentes caméra, au montage ensuite viendra une forme d’écriture du champs-contrechamps-hors champs plus vaste.
Des lors les instants de décisions se déplacent progressivement du plateau au bureau, l’étalonneur voit sont travail bouleversé avec le chef-opérateur, la salle obscure deviendrait le lieu d’expérimentation du regard.
Mais je ne vois pas comment scinder en deux équipes ces moments complémentaires, comment travailler le montage sans avoir un relation à la couleur, à la lumière du plan qui soit aboutie, comment travailler sur l’impression d’un plan, si le travail de la profondeur de champs n’est pas utilisé?
le monteur deviendrait un acteur polyvalent où de la narration on s’occuperait du cadre, de la lumière et du champs?
Cela me parait difficile pour à la lumière notamment, métier en soit, qui requiert d’autres aptitudes techniques et culturelles que le montage.
Le montage s’allongerait énormément, il passerait aussi d’un enjeu linéaire dans le temps à un enjeux dans l’espace, sa profondeur,
des couches de lumière, des strates de couleurs, des calques d’effets.
Ou bien le montage interviendrait après un premier travail de l’étalonneur, comme cela se fait avec des LUT aujourd’hui,
l’image au montage aurait déjà un premier travail de selection sur l’exposition, les gammes colorées,auquel s’ajouterait un premier choix dans la profondeur de champs. On rejoint en cela tout le travail qui s’élabore sur les flux de travail pour les films en 3D.
Ensuite viendrait le temps du montage, avec une possibilité de donner des « intentions « sur la couleur, le champs, l’exposition, tout en conservant notre problématique principale du récit.

Cette conception de la narration est en train de changer elle aussi, les jeux vidéos, l’interactivité requestionne le rapport au spectateur, son rôle actif dans l’évolution de l’histoire.
Quid du statut du monteur dans un tel enjeu? Les possibilités de choix vont devenir multiples,qui décide?
La trame se complexifie, différentes histoires se mènent en parallèle, différents niveaux s’interpellent, des micro-histoires mis en place par les utilisateurs doivent être encadrées, où tout du moins il faudrait avoir pensé un espace pour qu’elle puisse éclore, se développer en amont.
Je trouve cela passionnant, les frontières changent, les relations entre les compétences évoluent, la place du spectateur devient une question cruciale. Le cinéma est un art du point de vue, voila de nouvelles perspectives pour les faire exister.

saint_esprit

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